Que vous soyez vous-même graphiste, que vous ayez déjà fait appel à l’un de nous pour votre entreprise ou bien que vous soyez juste curieux du monde du design graphique en général, il ne vous a pas échappé que de nombreuses créations, qu’il s’agisse de web ou de print (dans notre jargon : les supports imprimés) tendent à se ressembler et à s’uniformiser de plus en plus. Est-ce une impression ou réellement le cas ? Voyons tout de suite pourquoi, et quelles en sont les conséquences :
UNE CERTAINE ÉDUCATION DU REGARD : DESIGN UX/UI

Débutons avec l’émergence du UX/UI design (Expérience utilisateur / Interface utilisateur, un terme qui nous vient de Don Norman, User Experience Architect pour Apple) il y a une vingtaine d’années. En matière de webdesign, grâce à l’étude du comportement et des besoins du visiteur sur un site, il a contribué à habituer nos regards à une architecture singulière. Celle-ci doit guider le client vers l’information sans perdre son attention en cours de route, en facilitant autant que possible sa navigation pour augmenter la probabilité d’achat.
Cela n’est pas possible sans un grand allègement du design général, un recours important à l’image ou à la photo, parfois au détriment du texte.
Comme toute solution qui marche, les autres sites se sont peu à peu emparés à leur tour de ces idées, indépendamment de leurs secteurs respectifs, contribuant à la définition de règles désormais précises pour la conception d’un site web bien fonctionnel. Et dans un souci constant d’harmonisation, le reste du design graphique s’est lui aussi adapté. Cela passe, entre autres, par une simplification du logo, ou encore des modèles de mise en page singuliers.
A CHAQUE ÉPOQUE SON design ÉPOUVANTAIL : LE GRAPHISME 90’S

Petite comparaison : une voiture passe de vieux tacot à véhicule de collection à partir de 30 ans, devient à nouveau désirable et triple sa valeur. Pour les modes, qu’elles soient graphiques, vestimentaires ou décoratives, c’est plus ou moins la même chose : elles peuvent prétendre passer de ringardes à vintage au bout d’un temps équivalent.
Mais pourquoi vous dire cela ? Tout simplement parce que notre design graphique actuel est en partie fondé sur un rejet du web tâtonnant et désordonné des années 90, avec tous les visuels qu’il sous-entend. Aujourd’hui, oublions la surcharge, optons pour le flat. Quitte, peut-être, à perdre un peu d’âme ou de créativité en passant. Posons-nous la question de ce que nous retiendrons de notre époque visuellement parlant.
Cela de veut pas dire que d’ici une dizaine d’années, nous ne soyons pas tentés de reprendre des éléments graphiques 90’s remis au goût du jour. En voici un magnifique exemple sur l’esthétique 80’s :

DESIGN uniformisé : la routine ?
Par définition, il ne peut y avoir créativité là où il y a habitude. Si nous enfermons le public dans les mêmes schémas, il y a un risque réel de le déstabiliser à chaque changement (bien que toute révolution artistique induise ce genre d’effets, ils ne sont pas souhaités lorsqu’un parti-pris trop fort peut conduire à une chute des ventes. Pour moi, c’est ici que le graphisme se sépare de l’art).
Nous nous dirigeons de plus en plus vers la simplification du design au profit de l’efficacité. En somme, un reflet de notre société.
Oui, les sites web et les applis (en dehors des jeux vidéo, qui, eux, revendiquent encore un univers fort, en particulier via les studios indépendants) se ressemblent de plus en plus.
Oui, les chartes graphiques tendent fréquemment à reprendre des codes similaires ou déjà vus, car considérés comme “moins risqués” et rassurants.
Le design, c’est la valeur ajoutée d’une marque. Ce qui la distingue des autres. Elle exprime votre philosophie, votre éthique, est ce qui provoque de l’attachement au-delà de la qualité de vos produits, ou de vos services. A votre avis, quel message envoyez-vous au client en reprenant les mêmes codes qu’un concurrent ?

Un cas concret discuté par les designers : la simplification à outrance des logos chez les marques à forte notoriété. Habituellement, ces leaders font courroie d’entraînement pour les entreprises plus petites qui s’inspirent d’elles. Mais il s’agit ici d’un exemple à ne surtout pas copier : ce type de design ne marche que dans le cas d’une marque déjà bien connue du public, il condamnerait les autres à l’anonymat.
ALORS, COMMENT SE DISTINGUER ?
C’est en réalité une opportunité énorme de se démarquer qu’offre cette époque et sa mode. Quand des groupes entiers se mettent à uniformiser leur style, il est d’autant plus simple de créer la différence.
Le rôle d’un designer n’est pas de suivre aveuglément les tendances, mais d’adapter au mieux celles qui peuvent correspondre à une marque ou une entreprise, tout en ajoutant une touche unique. Une vraie recette de cuisine, qui comprend tout un travail de réflexion et d’adaptation à une stratégie marketing.
Certaines marques ont un logo historique, qui n’a que très peu changé au cours des précédentes décennies, tout simplement parce qu’ils correspondent à merveille à leur société et à ce qu’elle exprime fondamentalement. C’est le cas, par exemple, d’IBM ou de Disney. Une véritable histoire est créée autour de l’identité graphique.
Changer de logo ou d’identité graphique est toujours délicat. Mais moins cela sera nécessaire, moins une marque perdra de clients à chaque transition. Je ne peux conclure que d’une façon : longue vie à la création !
Par Karine Wuillot – Designer graphique et illustratrice – Chartres